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     Si vous n'avez pas lu le début de cette fiction (l'Héritier des Dieux), ne lisez pas cet article. Le début de la fiction est ici.

       Il vit Delia, sa femme. Elle avait été tout, elle était sa lumière pendant les heures sombres. Et aujourd'hui il l'a quitté peut-être pour toujours. La nostalgie vient d’abord, ces moments heureux, tous ces moments… Ces moments qui éclipsaient tous les autres par la puissance du bonheur qui les faisaient vibrer. Maintenant tout cela était fini. Il admirait son amour pour la dernière fois... Il sentit sa gorge se nouer. Ses cheveux de jais ondulaient quand elle se déplaçait, avant de retomber avec désinvolture sur ses épaules. D'un geste de main nerveux elle écarta les mèches qui réduisaient sa vision. Là elle le vit. Elle resta sans bouger. Nanor fit de même. Sans avoir besoin de se parler ils comprenaient leurs détresses respectives. Finalement Delia plongea ses yeux noirs mais pourtant si purs dans les siens.

    - Je n'ai pas besoin de te demander de rester ?

       Nanor s'approcha d'elle. Delia, elle, était immobile et fière.

    - Tu le sais. Si seulement le dire était simple.
    - Tu n'as besoin de dire qu'une chose.
    - Je t'aime. Et je t'aimerai.

       Elle passa ses doigts tendrement sur la joue de son amant. Celui-ci regarda sa main comme s’il la découvrait pour la première fois.

    - Moi aussi, tu le sais...

                Ils se regardèrent un moment sans parler. Ils n'avaient pas besoin des mots pour s'aimer, juste de leurs pensées. En sept ans de route commune, ils se connaissaient par cœur. Ils n'avaient pas eu besoin de sept ans pour se connaître, de bien moins... Mais Nanor voulait bien plus que sept ans, il voulait bien plus pour l'aimer... Une vie ne serait pas assez, il lui en faudrait plusieurs s’il voulait dire tout ce qu'il avait sur le cœur. Si seulement il le pouvait... Dans cet instant il souhaitait seulement penser à elle, seulement l'admirer. Mais il aurait aimé ne pas voir l'air triste avec lequel elle le regardait. Soudain Delia prit un air farouche et sûre d'elle.

    - Je sais me battre.
    - Je suis bien placé pour le savoir.

       Nanor esquissa un sourire.

    - Alors pourquoi tu ne veux pas que je parte avec toi ?
    - Mais si... Si je meurs.
    - Je t'interdis de dire ça ! Tu dois revenir pour notre fils. Pour moi...

       Il la prit dans ses bras. Il se colla à elle et dit d'une voix brisée.

    - Tu sais que si je pourrais, je le ferai.
    - Mais pourquoi ?
    - Pardonne-moi.
    - Tu n'as pas besoin de le demander. Je ne t'en ai jamais voulu.

       Delia se détacha lentement de Nanor et le regarda dans les yeux.

    - Embrasse-moi s'il te plaît. Une dernière fois.

       Nanor posa ses lèvres sur les siennes doucement. Puis il caressa ses cheveux noirs amoureusement.

    - Où est notre fils ?
    - Il dort.

       Il regarda l'embrasure de la porte et y vit son fils sous ses draps blancs, dormant insouciamment.

    - Bien, c'est mieux ainsi. Si jamais je ne reviens pas, ne lui dis pas qui je suis. Mais pour autant s’il veut suivre mon chemin laisse-le faire, d'accord ?
    - Oui... Oui mon amour.

       Il aimerait tant pouvoir pleurer et se réfugier dans ses bras mais il ne pouvait pas.

    - Je ne peux pas me permettre de pleurer...
    - Je le sais... Je te connais, tu le ferais sinon, je le vois.
    - Promets-moi une chose. Promets-moi que tu seras heureuse.
    - Je n'ai pas besoin de te le promettre, tu reviendras.

       Nanor ne l'avait connu comme cela qu’en de rares occasions. Elle essayait de se persuader, car tout le reste de son être lui disait qu'il ne reviendra pas. Lui n'était pas dans un meilleur état, sa voix était brisée, sa gorge nouée. Et son cœur se mourrait...

    - Il faut que j'y aille.
    - Vas-y, rends fier ton fils.

       Elle prononça ces derniers mots avec une profonde tristesse. Ses yeux ne pleuraient pas, mais au fond d’elle elle pleurait. Il aurait tant voulu rester. Mais la bataille était si imminente que Nanor pouvait presque sentir le tumulte des lames. Il était tellement désolé et il n'avait même pas le temps de lui dire à quel point. Il ne pourra jamais lui dire tout ce qu'il aurait voulu, il ne pourra jamais...

    - Quitte Dem'Breck dès que je serai parti. Par pitié ne reste pas ici. Désolé, si seulement tu savais à quel point je le suis...
    - C'est déjà assez compliqué comme ça.

     

    Les mots claquèrent dans l’air. Cinglants. Mais il comprit à son regard qu’elle essayait juste de ne pas souffrir plus. Comme son père… Alors il se retourna et partit vers les portes de la cité. Au bout d’à peine quelques pas il l'entendit tomber à genoux et éclater en larme. Il ne se retourna pas, il continua d'avancer. Il ne devait pas se retourner. Il ne devait pas craquer. Un simple coup d’œil en arrière… Non. S’il voyait la vallée de larmes qui coulait de ses yeux il ne pourra que fléchir. Tomber à genoux. Pleurer avec elle. Partir avec elle.

       Sans qu'il puisse la retenir, une larme coula sur sa joue et tomba sur la terre. D’un revers de la main il s'empressa d'en effacer les traces. Il tenta aussi de faire abstraction de ses sentiments et de penser à ce qui était devant lui, la bataille, les responsabilités d’un chef à la guerre. Il tenta mais les sentiments balayèrent la logique d’un seul mouvement nonchalant. Lui dire son amour le rendait aussi songeur que la première fois. Il ne pourrait l'oublier. S'il survivait ses simples mots resteraient en lui pendant plusieurs décennies. Jusqu'à ce que sa mémoire ne puisse plus porter les souvenirs trop lourds et trop nombreux. Le dernier rempart de raison céda. Il voulait juste voir son visage une dernière fois. Elle n’était plus là. Il n'y avait plus que la trace de ses genoux sur le sol et une terre légèrement humide. Sans qu’il ne puisse le décider il tomba à genoux. Mais les larmes ne venaient pas. Ils les avaient retenus tant de temps et là ils lui faisaient défauts. Il aurait aimé pleuré, pleuré de larmes sincères, et en laissant couler les larmes exorciser sa peine. Mais ses yeux restaient désespérément secs. Il aurait seulement voulu lui dire : Je t'aime.

    *

       Il ferma la main, sa peau rencontra sa lame imbibée de sang. Ses pensées étaient confuses. Tout se mélangeait, rien ne lui venait de clair. A part peut-être ce qu'il s'était passé avant qu'il ne parte combattre. Sa femme, son père, son fils...

       Il était allongé parmi les dépouilles de ses ennemis. Il sentait leurs corps encore chauds sous lui. Il en avait tué plus qu'il ne l'imaginait. C'était un charnier. Tous ces corps jonchaient le sol. Cette monotonie était rompue parfois par la carcasse d'un Drak. Ces hommes-dragons, immondes. Tous lui revenaient, trop de souvenirs, trop de pensées... Un lui parut plus clair que les autres : le moment où ils avaient négocié. Bien sûr, c'était seulement une formule de politesse avant la barbarie d'une bataille.

    - Je resterai sur mon avis. Je n'abdiquerai pas. Mes idéaux sont fixés.
    -Vous savez que refuser d'abandonner causera votre perte ? Ne répondez pas. Vous savez. Donc réfléchissez une dernière fois.
    - Mes idées sont inflexibles. Vous savez qu'il en est de même pour vous.
    - Vous avez raison.

       Son interlocuteur portait une armure de plaques noires, reliées par des clous larges et visibles.  Malgré son visage jeune, sa voix témoignait de son âge avancé. Il abattit sa visière sur son visage pâle. Et se retourna. A ce moment, deux projectiles arrivèrent fouetter les murs de Dem'Breck. Ils brisèrent quelques pans de rempart, mais ils grattèrent juste une façade comparer aux mètres de pierres qu’il restait derrière ces deux balafres. Nanor avait parlé depuis une sorte de grand-balcon au-dessus de la porte de Dem’Breck. Les projectiles l'avaient évité volontairement, s’ils avaient voulu ils auraient pu l’abattre à l’instant. C’était impressionnant et c’était fait pour être pour être impression, une façon pour eux d’affirmer leur puissance. Pourtant Nanor ne tressailli même pas. La négociation avait duré si peu. Il savait que cet ennemi le voulait dans leurs rangs. Alors pourquoi ne pas avoir insisté plus ? Peut-être l'avait-il pris pour un rustre buté. Peut-être en était-il un en fin de compte. Si c’était le cas autant l’être jusqu’au bout :

    - Si seulement vous saviez la souffrance que vous causez. 

                L'homme au visage pâle se retourna :

    - Parce que selon vous, nous nous combattons pour infliger la douleur ? Ou encore pour avoir le pouvoir ?
    - Sinon pour quelle raison ?
    - Le dire serait trahir un secret. 

       Ces paroles le laissaient encore songeur. Était-il fou ou ignorant à ce point ? S’il doutait maintenant, comment pourrait-il se battre ? Il n'eut pas ce problème très longtemps. La fureur de la bataille effaça toute réflexion. Il se battait et c'était tout. Peu importe celui qu'il était ou celui en face de lui. Mais est-ce que ça faisait de lui un barbare ? Qu’importe très vite des marées humaines envahirent l’enceinte de Dem’Breck. Ils étaient beaucoup trop nombreux. Les Résistants s'éparpillèrent. Ils étaient décimés. Il avait espéré qu'ils donnent au moins un peu plus de fil à retordre. Il se détestait à le dire, mais il était vexé. Ils s'étaient battu et cela n'avait pas suffi. Désormais il était allongé au milieu de ses ennemis, le sang de ses blessures se mélangeait à celui de ses adversaires. Une estafilade lui barra la joue, une autre à sa cuisse saignait à chaque qu'il essayait de bouger sa jambe, son annulaire était tordu dans un angle anormal, son bras droit était immobile et semblait ne plus vouloir bouger.  Mais il pouvait toujours se battre et le devait.

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    Un coup du sort nous l'a donné
    Et comme un enfant trop gâté
    Nous l'avons usée et détruite
    Blessures éternelles par des vies fortuites

    Nous lui devons notre existence
    Elle nous doit sa souffrance
    Peut-être bientôt sa mort
    Avant encore combien de torts?

    Combien de forêts faudra t-il raser?
    Combien de terres à défigurer?
    Encore bien peu je le crois et crains
    Ne pouvez-vous pas effleurer la Fin?

    Est-ce par idiotie ou désintérêt?
    Peu importe au point où nous sommes désormais
    Peut-être faudrait-il ouvrir les yeux,
    Pour chercher un monde un peu mieux

    Tant de balafres, de cicatrices
    Causés par tant d'orgueil et de vices
    Que faisons-nous pour l'amour de l'argent?
    Tout ce qui viendra à notre esprit pendant

     

    Note: Je n'ai rien à dire de particulier sur ce poème à part que c'est grâce à  la Terre que nous sommes là et peut-être avant de chercher la solution dans les étoiles nous pourrions regarder notre Terre et nous dire que celle qui nous a vu naître pourra encore nous voir grandir si nous y mettions du notre. Il ne sert à rien de trouver une autre planète habitable si nous recommençons les mêmes erreurs qu'avec la Terre. 


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    La nature est une nymphe dans les éclats du printemps
    Au teint pâle de l'hiver désormais fané
    Elle quitte le froid et la neige pour bercer les fleurs envoûtées
    Souriante dans son corset de tulipes et de jonquilles s'enlaçant

    Sous chacun de ses pas naissent une nouvelle vie
    Elle marche et défait la surface cristalline des rivières
    Les oiseaux dans son sillage chantent les premiers airs
    Chaque plante, chaque être renaissant à l'envie

    Je m'imagine déjà dans les champs écarlates
    Poursuivant les vestiges de ton odeur
    Je ne verrai que ton ombre fugace, qu'une lueur
    Pourtant je chercherai sans cesse ta beauté disparate

    Tu es ma seule quête, ma dernière prière
    Je ne laisserai pas l'automne t'enlever à nouveau
    Pour toujours ton sourire et les champs de coquelicots
    Je te suivrai jusqu'aux forêts de lierre

    Je voudrai être le prochain à embrasser tes suaves lèvres
    À pouvoir respirer ton frêle jasmin
    À admirer ton sourire pur et sibyllin
    Je t'oublierai finalement pour te retrouver avec fièvre

     

    Chloris

     

    Note: J'ai écris ce poème selon le thème donné par Lisa "Le printemps", malgré un début laborieux j'ai aimé travailler sur ce thème. Je lui ai même fait une illustration comme vous pouvez le voir. Mes talents de dessinateur sont plutôt mitigés mais j'espère que ce dessin vous plaira. Et quant au titre, "Chloris" est dans la mythologie grecque la nymphe des fleurs et du printemps.


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     Si vous n'avez pas lu le début de cette fiction (l'Héritier des Dieux), ne lisez pas cet article. Le début de la fiction est ici.

     

       D'un pas lourd, Nanor alla se présenter devant ses hommes. Ils étaient là, avec le temps leur nombre avait atteint celui d'une vaste brigade. Mais même avec ce nombre ils ne vaincront pas des millions.

    - Vous le savez, je ne suis pas homme de discours, commença le dirigeant de la Résistance, mon éloquence n'égale pas ceux qui sont à nos portes. Je n'utilise pas de paroles d'or pour rallier les gens à ma cause. Je me bats pour une cause que je crois noble, et vous l'avez suivie parce que vous la trouvez noble. Tout simplement.

    Il marqua une pause, fit quelque pas sur son estrade improvisée et reprit :

    - Je vous connais tous. Je pourrais dire que les lâches peuvent fuir, mais je sais qu’il n’y a même pas une once de lâcheté dans votre cœur. Vous êtes plus méritants que n'importe quels nobles ou riches, si la terre des Dieux existe, vous y irez tous. Les Hommes du nors s’acharneront pourtant. Ils diront que notre cause n'est pas noble. Mais leurs actes sont tellement abjects. Comment ne pas être révolté ? Comment ne pas se révolter ?!

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    Personne qui ne me veuille

    Sans frère, ni sœur

    Seul avec ma peur

    Ma vie est-elle rance,

    De par ma différence ?

    Né quelques part,

    Un geste épars,

    Une pensée en trop.

    Mais qu'est-ce que je vaux ?

    Je tombe,

    Je creuse ma tombe.

    J'écris mon épitaphe.

    Sur mon passage on s'esclaffe

    J'espère une étincelle,

    Que ce ne sera plus comme tel.

    Faut-il que je ne sois plus le même,

    Pour être accepté par le système ?

     

     

    Note: Un poème un peu spécial aujourd'hui car tout d'abord il n'est pas organisé en strophe et car il a été adapté en chanson. La chanson a été réalisé dans le cadre d'un projet cinématographique sur le thème du harcèlement, seules les paroles sont de moi.


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